top of page



CONTES

INITIATIQUES

 

 

Les contes ont été des alliers précieux sur mon chemin. Par leur images, mon âme a pu recevoir des messages que mon intellect se refusait à comprendre. Les contes m'ont aidé à éclore à moi-même. Ma rencontre avec Henri Gougaud, ce maître conteur, a été décisive. Il m'a appris à les aimer comme des amis, à leur parler et à apprendre d'eux non pas par ce qu'ils nous disent, mais par ce qu'ils sont : des être très anciens mais toujours innocents qui ont su traverser les siècles malgré les fléaux, qui ont su se métamorphoser pour survivre et arriver jusqu'à nos oreilles et parler à nos âmes. Ils connaissent la musique du cœur du monde.

 

Henri me raconta un jour que dans la grande forêt des premiers temps étaient un homme et une femme qui vivaient dans une petite hutte de bois. La femme s'occupait du potager et pendant que l'homme coupait du bois dans la forêt. C'est un homme ténébreux, au cœur aussi noué que sa barbe et se cheveux qui se confondaient avec les broussailles du tailli. Chaque soir, lorsqu'il rentrait de la forêt, il jetais son fagot de bois, il en sortait le bâton le plus noueux, et chaque soir, il rossait sa femme. C'était terrible. La pauvre subissait sans rien dire la méchanceté de son homme jusqu'au jour où elle senti remuer dans son ventre une vie inconnue.

"Je ne peux plus me laisser battre de la sorte, se dit-elle, sinon je risque de perdre le bébé."

Il lui fallait trouver une solution, mais elle ne savait que faire. Et ce soir là, quand l'homme broussailleux arriva, il jeta son fagot de bois devant la hutte, il en tira le bâton le plus noueux, il s'approcha de sa femme, leva le bras pour l'abattre sur le dos de la pauvrette quand celle-ci lui dit :

"Attend, attend, attend !.... Je... vais te raconter une histoire !"

Et la femme commença à improviser une histoire, n'importe quoi, ce qui lui venait à la bouche, et l'histoire était tellement merveilleuse, que l'homme resta bouche bée, le bras en l'air, à écouter toute l'histoire, sans en perdre une goute ! Ainsi toute la nuit, il resta le bras en l'air et puis, quand il vit les lueurs de l'aube percer à travers les bouts de vois qui faisaient office de mur de la hutte, il sorti prendre sa hache et parti dans la foret couper du bois.

 

Les soir venu, à nouveau il jeta son faguot de bois, à nouveau il en sorti le bâton le plus noueux et qui le leva sur sa femme :

"Attend, attend, attend !.... Je vais te raconter la suite de l'histoire !" Et ainsi fit-elle pendant les neufs mois de sa grossesse, et on raconte que ces histoires ainsi que la naissance du fils dénouèrent le cœur de l'homme et fut transformé. On appelle cette femme la Mère des Contes, car ce serai d'elle que sont nés tous les contes, et ce conte lui-m^me nous enseigne que les contes ne sont pas là pour expliquer la vie, mais bien au contraire pour l'aider à éclore, pour l'aider à naître.

Gratitude

 

Le Pacte de la Taverne



Certains diront : ils sont venus en vain.
Qu’il ne soit pas dit qu’ils sont venus en vain.

Cet héritage, nous te le confions.
Nous avons accompli ce que nous avons pu accomplir.
Ce qui reste à faire, il t’appartient de le faire.

Rappelle-toi,
Ce travail est une tâche confiée.
Rappelle-toi bien-aimé,
Ce n’est qu’un au revoir.


Chant Derviche.



 



 


Le Conte des Empreintes

 


Depuis presque cent ans, le vieil homme marchait. Il avait traversé l’enfance, la jeunesse, mille joies et douleurs, mille espoirs et fatigues. Des femmes, des enfants, des pays, des soleils peuplaient encore sa mémoire. Il les avait aimés. Ils étaient maintenant derrière lui, lointains, presque effacés. Aucun ne l’avait suivi jusqu’à ce bout de monde où il était parvenu. Il était seul désormais face au vaste océan.

Au bord des vagues il fit halte et se retourna. Sur le sable qui se perdait dans les brumes infinies, il vit alors l’empreinte de ses pas. Chacun était un jour de sa longue existence. Il les reconnut tous, les trébuchements, les passes difficiles, les détours et les marches heureuses, les pas pesants des jours où l’accablaient des peines. Il les compta. Pas un ne manquait. Il se souvint, sourit au chemin de sa vie.

Comme il se détournait pour entrer dans l’eau sombre qui mouillait ses sandales, il hésita soudain. Il lui avait semblé voir à côté de ses pas quelque chose d’étrange. À nouveau, il regarda. En vérité, il n’avait pas cheminé seul.
D’autres traces, tout au long de sa route, allaient auprès des siennes. Il s’étonna. Il n’avait aucun souvenir d’une présence aussi proche et fidèle. Il se demanda qui l’avait accompagné.

Une voix familière et pourtant sans visage lui répondit : “C’est moi”.
Il reconnut son propre ancêtre, le premier père de la longue lignée d’hommes qui lui avaient donné la vie, celui que l’on appelait Dieu. Il se souvint qu’à l’instant de sa naissance ce Père de tous les pères lui avait promis de ne jamais l’abandonner. Il sentit dans son cœur monter une allégresse ancienne et pourtant neuve. Il n’en avait jamais éprouvé de semblable depuis l’enfance.

Il regarda encore. Alors, de loin en loin, il vit le long ruban d’empreintes parallèles plus étroit, plus ténu. Certains jours de sa vie, la trace était unique. Il se souvint de ces jours. Comment les aurait-il oubliés ? C’étaient les plus terribles, les plus désespérés. Au souvenir de ces heures misérables entre toutes où il avait pensé qu’il n’y avait de pitié ni au ciel ni sur terre, il se sentit soudain amer, mélancolique.

“- Vois ces jours de malheur, dit-il j’ai marché seul. Où étais-tu, Seigneur quand je pleurais sur ton absence ?”
“- Mon fils, mon bien-aimé, lui répondit la voix, ces traces solitaires sont celles de mes pas. Ces jours où tu croyais cheminer en aveugle, abandonné de tous, j’étais là, sur ta route. Ces jours où tu pleurais sur mon absence, je te portais.”

Source : Henri Gougaud.

 

 

L'Histoire de Yunus Emré
 


 


 

Quand pour la première fois lui vont au cœur cette soif de vérité qui le jeta sur les chemin du monde, il avait tout juste 20 ans, peut-être moins. Il s'en fut, espérant que ce désir de savoir le conduirait au devant d'un maître qui serai capable de l'illuminer. Ce maître, il lui fut donner de le rencontrer, après 10 années d'errances misérable, dans le grand vent d'une colline, en pleine steppe anatolienne. Il s'appelait Taptuk et il était aveugle.

Taptuk avait lui aussi longtemps cheminé, mais il avait prit d'autres voies que celles de Yunus. Dès son adolescence, il s'était rasé le crâne et les sourcils, s'était coiffé d'un bonnet de feutre rouge et s'en était allé combattre les envahisseurs mongols. Il avait traversé autant de charniers que d'éphémères victoires, chevauché le sabre aux dents à la poursuite d'hommes aussi fou que lui, croupi le lendemain dans des lambeaux sanglants. Il avait haï, pillé, tué, cent fois perdu et cherché son âme dans la rage des combats, jusqu'à ce que le silence tombe enfin sur sa tête. Un soir de défaite, il avait été laissé pour mort sur un champs de bataille. Il s'était traîné au bord d'un ruisseau. Là, une femme, la première de son existence, hors les quelques putains de tarverne, s'tait enfin penchée sur lui.

Elle l'avait recueilli, soigné, guéri, mais elle n'avait pu lui rendre la vue qu'un tranchant de lame lui avait prise. Alors elle lui avait donné sa vie, sa main pour le conduire, et de ce jour, guidé par son épouse, Taptuk n'avait plus songé qu'à se frayer en lui-même un chemin jusqu'à la source silencieuse d'où s'élève la lumière qui rend toutes choses simples. Un soir, dans ce désert de hautes herbes où ne se risquait jamais personne, sauf quelques rares bergers égaré et quelques lambeaux d'armées en déroutes, il avait atteint cette source. Il avait donc décidé de ne pas aller plus loin et avait construit là sa maison. D'autres chercheurs l'avaient rejoint, de loin en loin, poussé par on ne sait quel vent de l'âme. Ils avaient reconnu en cet homme imposant et avare de paroles le maître qu'ils éspéraient. Ils avaient donc bâti leur cabane près de la sienne, puis dressé une palissade autour de ces humbles masures.

Quand Yunus Emré parvint en ce lieu, le monastère de Taptuk l'aveugle n'était rien d'autre que cela : quelques bâtisses basses ceintes d'un mur de pierres sèches dans la steppe infinie. Taptuk, dès qu'il eu palpé le visage et les épaules de ce vagabond affamé de savoir, lui promit la Vérité.
   « - Elle te viendra peu à peu, lui dit-il. Pour l'instant, je n'ai rien à t'apprendre. Ton travail sera donc de balayer sept fois par jour la cour du monastère. »

Yunus obéit de bon cœur. À l'instant même où il s'était trouvé devant ce grand vieillard au crâne ras, une confiance inébranlable lui était venue. Il était sûr qu'elle ne l'abandonnerai plus. Sept fois par jour il balaya donc la cour avec entrain, saluant joyeusement le maître et ses disciples quand ils se rendaient ensemble à la maison de l'épouse où Taptuk l'aveugle tous les matins enseignait. Il s'étonna bientôt que nul ne réponde à ses salutations. « Passe encore que les apprentis m'ignorent, se dit-il, mais celui qui m'a si bonnement accueilli chez lui, pourquoi ne m'adresse-t-il jamais la parole ? » Une année passa ainsi, puis deux et trois années, sans que nul ne lui parle. Alors le cœur de Yunus s'alourdit.

« Sans doute ce silence signifie-t-il quelque chose, se dit-il. Assurément mon maître veut apprendre quelque chose à mon âme, car c'est à l'âme que s'adresse la parole sans voix. ». Il réfléchi dans sa solitude besogneuse, chassant sept fois par jour la poussière que le vent sans cesse ramenait dans la cour du monastère. Enfin, un matin de printemps, comme il sortait de sa cabane, son balais sur lépaule, une lumière lui vint. « J'ai trouvé : Taptuk veut m'apprendre la patience », se dit-il. Il jubila dans son cœur, content de sa découverte, et se remit à balayer la cour avec une ardeur nouvelle.

Cinq années  étaient passées. Deux autres encore s'écoulèrent, puis trois, puis cinq nouvelles sans que change son sort. Alors Yunus désespéra. « Qu'ai-je fais pour mériter une aussi longue indifférence ? Se dit-il. Peut-être mon maître m'a-t-il oublié. Ou peut-être ne suis-je pour lui qu'un idiot recueilli par pité, tout juste bon à chasser la poussière. » Il s'efforça pourtant de réfléchir sans passion. Une nuit de tempête lui vint à l'esprit que Taptuk voulait peut-être lui apprendre l'humilité. Dans l'obscurité tourmenté où il était couché, il sourit. « C'est cela. Il veut m'apprendre l'humilité », se dit-il. Le lendemain matin quand il se mit à l'ouvrage, ses gestes étaient plus mesurés, et parce que son cœur était en paix il se mit, tout en balayant la cour, à fredonner. Peu de choses : des paroles qui lui venaient, des chants qui lui montaient aux lèvres et qu'il laissait aller au vent, pour la seule satisfaction d'entendre voix humaine.

Cependant sa confiance en Taptuk peu à peu le quitta. Cet homme, décidément, l'avait trompé. Il n'avait jamais eu l'intention de lui apprendre ce qu'il avait pourtant promis. « Je perds ma vie à espérer », se dit-il. Cinq ans encore, il balaya la cour en fredonnant, sans que nul ne l'écoute. Un soir, fatigué de cette existence de pauvre hère et convaincu que personne ne s'apercevrait de son absence, il décida de quitter ce lieu où il n'avait trouvé, après quinze années d'humble patience, qu'amertume et mélancolie.

Il s'en fut donc dans la nuit, marchant droit devant lui. Il marcha jusqu'à l'aube, ivre de liberté sans espoir. Il eu faim et soif, mais il n'y avait nulle source où s'abreuver, nul abri où refaire ses forces dans cet infini désert d'herbes jaunies, de cailloux et de vent. « Je vais mourir, se dit-il. Qu'importe. Mieux vaut mourir en marchant qu'en balayant la cour d'un fou ». Il marcha donc trois journées entières.

Au soir du troisième jour, comme il allait se coucher sur un roc pour offrir son corps exténué aux vautour, il aperçu, au loin, un campement. Il s'étonna. Aucun voyageur ne se risquait jamais dans ces contrées. Qui pouvaient-être ces gens ? Il s'approcha. Il vit des hommes assis au seuil d'une tente aux voilures amples. Ils festoyaient en riant et parlant fort. Dès qu'ils l'aperçurent, ils lui firent signe et, à grands cris joyeux, l'invitèrent à partager leurs provisions. Des fruits luisants, des galettes dorées, des rôtis odorants, des boissons de toutes les couleurs dans des flacons de verre étaient à profusion étalés devant eux, sur un tapis de laine. Yunus prit place en leur compagnie, but mangea, osa enfin demander à ces gens par quel miracle, dans ce méchant désert, ils se trouvaient ainsi pourvus de nourritures si délicates qu'il n'en n'avait jamais goûté de pareilles.

« - Une voix nous a conduit jusqu'ici, lui dirent-ils. Assurément, c'est le meilleur endroit au monde. Le vent tous les jours nous apporte du lointain les chants d'un derviche inconnu. Il nous suffit de les écouter, de les chanter nous-mêmes. Aussitôt apparaissent devant nous tous ces mets succulent que vous voyez là. Nous serions fous d'aller vivre ailleurs. »

Yunus s'extasia, avoua qu'il ne comprenait rien à pareille magie et osa enfin demander à ses compagnons si, par extrême bonté, ils pourraient lui apprendre ces chants nourriciers, afin qu'ils ne meurent pas de faim dans cette steppe où il devait aller seul.

« - Volontiers » répondirent les hommes.

Et ils se mirent à chanter.  Yunus en fut boulversé bouleversé, les yeux ronds, la bouche ouverte. Ces paroles, ces mélodies étaient celles-là mêmes que tous les jours il fredonnait en balayat la cour, là-bas, au monastère. Il reconnu les paroles sorties de ses lèvres dans le seul désir de tromper la solitude, les musiques montées de son cœur, dans le seul espoir d'alléger sa mélancolie. Et de ses mots confiés au vent étaient né du vent et des fruits, des viandes tendre... Sur l'instant il compris pour quel travail il était en ce monde, il goûta la pure vérité de son âme et il souffri la pire honte, songeant à Taptuk qui l'avait instruit, sans qu'il n'en devine rien, comme un fils infiniment aimé.

Alors il embrassa les hommes qui l'avaient accueilli et revint au monastère en courant et pleurant. « Taptuk me pardonnera-t-il d'avoir douté de lui ? Se disait-il buvant le vent. Me pardonnera-t-il jamais ? » Il parvint à la nuit tombé à la porte vermoulue qui fermait la palissade. Il cogna du point, appelant et demandant pitié. Le visage de l'épouse de Taptuk apparut au-dessus du mur.

« - Te voilà revenu, Yunus, dit-elle doucement. Pauvre enfant, je ne sais si Taptuk t'acceptera de nouveau parmi nous. Ton départ l'a désespéré. « Quel malheur, m'a-t-il dit, mon fils le plus cher m'a quitté. Que me vaut la vie désormais ? » Je vais t'ouvrir. Tu te couchera dans la poussière de la cour. Demain, quand ton maître fera sa promenade du matin, il butera du pied contre ton corps. S'il dit « Qui est cet homme ? », alors tu devras partir pour toujours. S'il dit « Est-ce là notre bon Yunus ? », alors ru saura que tu peux à nouveau vivre en sa présence. Entre mon fils.

Yunus se coucha dans la poussière de la cour. Lorsque l'aube arriva, il entendit un bruit de porte, puis des pas qui s'approchaient. Les yeux fermé, il senti un pied contre son flanc, entendit :
« -Est-ce là notre bon Yunus ? »
Il se leva, ébloui de lumière et de bonheur, courut à son balais et se remit à balayer la cour.

Ainsi fit-il jusqu'à se mort, sans faillir un seul jour. Quand il fut semblable à la poussière mille fois envolée, ses chants s'élevèrent, et s'envolèrent, et envahirent les lieux pour nourrir les hommes d'une désaltérante vérité.

Source : Henri Gougaud dans Contes des Sages Soufis.


 


L'Homme Vertueux
(Les Copeaux)
 

 

 

 

 

 

 

 

 


Un homme de grande vertu regardait son champs de blé. Il était reconnaissant à Dieu d'avoir pris soin de ses récoltes : le blé poussait, vert tendre, et promettait de donner bon grain. Mais voilà que soudain il vit une tache brunâtre dans un coin de son champs. Il s'approcha et découvrit un tas de branches calcinées. Quelqu'un avait fait un feu et brûlé quelques épis. L'homme ramassa d'un geste désolé les restes de tiges noircies. Qui avait pu faire une chose pareille ? Ses ouvrier ? Non, impossible, ils étaient si scrupuleux et si fidèles, depuis tant d'années... Non, ce devait être le voisin. Il regarda par dessus la haie et vit le champs de son confrère. Il était un peu moins beau que le sien.
« Oui, se dit-il, la jalousie l'a poussé à cet acte malfaisant... Et bien voilà pour lui ! » Et, ce disant, il ramassa les branches calcinées et les lança dans le champs d'à côté. Les copeaux cassèrent, en tombant, quelques épis.

Quelques jours plus tard, l'homme pieux repensa à son emportement. « Comment ai-je pu me laisser aller à ce geste de colère ? Se dit-il. Et le voisin est peut-être innocent... Et moi, j'ai abîmé son blé, privé des pauvres de bon pain... »

Tout à son affliction, il alla voir le curé. Celui-ci ne trouvait pas la faute si lourde, mais comme l'homme pieux voulait fermement la réparer, le prêtre lui conseilla d'aller voir un saint ermite, qui vivait dans la forêt.

L'ermite écouta le brave homme avec gravité.
« Pour réparer ton erreur et retrouver la paix, voici ce que tu va faire. Tu va partir en quête d'une branche morte, tombée de l'arbre, mais qui soit encore capable de reverdir. »

L'homme accepta cette pénitence avec joie et se mit aussitôt en route. Il erra longtemps sur les chemins. Les saisons passèrent. Plusieurs années passèrent et l'homme courbé en deux ramassait sans relâche toutes les branches à ses pieds, mais il ne trouvait jamais que du bois tout à fait mort.

Un jour, au détour d'une route, il fut attaqué par trois brigands. L'un d'eux sortit son couteau. L'homme se jeta à ses pieds :
« Pitié, je n'ai rien, je ne suis qu'un pauvre pèlerin, en chemin pour sa pénitence.

- Ta pénitence ? Et quel crime as-tu donc commis ? As-tu volé, violé, tué ?
- Mon Dieu, non... J'ai... jeté des branches sur le champs de mon voisin.
Rire chez les brigand.
- Je suis sur les chemins depuis plusieurs années, et pour mon salut, je cherche une branche morte capable de reverdir. »

Deux des homme éclatèrent encore de rire et se moquèrent du pauvre homme. Mais le troisième garda le silence. Il pensait : « Pour une faute aussi légère, la pénitence est bien lourde... Quel châtiment aurai-je donc, moi qui vole et tue depuis si longtemps ? »

Il ordonna à ses compagnons d'épargner l'homme et de partir ; il les rejoindrait... Resté seul avec l'homme pieux, il lui demanda :
« Conduis-moi à ton confesseur. Je veux,  moi aussi, me mettre en ordre avec  Dieu. »

Et ils allèrent ensemble voir l'ermite. Le brigand avoua d'un cœur sincère tous ses crimes. L'ermite le releva:

« Pour tes fautes, tu va chercher la rivière qui coule de l'aval vers l'amont, du bas vers le haut, et dont la source est plus basse que l'embouchure. »
Le brigand accepta et partit avec l'homme pieux. Chacun sa pénitence, l'un observait les cours d'eau, l'autre les branches cassées. Mais ils ne  trouvèrent ni l'un ni l'autre l'objet de leur salut. Le brave homme pensait qu'il devait avoir le cœur bien lourd pour que Dieu lui refuse son pardon si longtemps.
À bout de force, il revinrent chez l'ermite et lui avouèrent en pleurant qu'ils avaient échoué.

L'ermite regarda le brigand et vit que ses larmes coulaient : « Voilà la rivière dont l'embouchure est plus haute que la source : les larmes remontent du cœur vers les yeux. Et toi brave homme, dit-il à l'homme pieux, n'as-tu pas, en cet homme endurci par les crimes, réussi à faire revenir les larmes, n'est-ce pas là reverdir une branche morte ? »

Les deux hommes se jetèrent aux pieds de l'ermite, et se sentirent légers.

Source : Nathalie Léone dans Contes des Sages Chrétiens

 

 


 

Le Secret
 




Où se tenait Mahmoud était Ayaz. Où souffrait Ayaz souffrait Mahmoud. Il n’était pas au monde d’amis plus proches. Pourtant Mahmoud était roi, et Ayaz son esclave. Ayaz était arrivé en guenilles de vagabond dans la ville où régnait le conquérant superbe et redouté. Il avait longtemps cheminé, sans cesse assoiffé par la poussière des déserts et, plus encore, par l’increvable désir d’atteindre un jour la lumière qu’il sentait brûler dans le fond secret de son âme. Mahmoud l’avait rencontré sur les marches de son palais et l’avait pris à son service, séduit par son visage et son regard de diamant noir. Il avait goûté ses paroles simples et jamais basses. Il avait fait de lui son conseiller. Il en fit un jour son frère de cœur.
Alors ses courtisans s’émurent. Que cet esclave leur soit préféré les scandalisa si rudement qu’ils complotèrent sa perte. Le vizir attacha quelques espions à sa surveillance. Un soir lui fut rapportée une bizarrerie dans le comportement de cet homme qu’il détestait. Il s’en fut aussitôt dans la salle où déjeunait Mahmoud. “Majesté, lui dit-il, tu n’ignores pas que pour ta précieuse sécurité je fais surveiller tous les mortels, humbles et fortunés, à qui tu accordes le privilège de ta présence. Or il me parvient à l’instant d’inquiétantes informations sur Ayaz, ton esclave. Chaque soir il s’enferme seul dans une chambre basse, au fond d’un couloir obscur. Quand il sort, il prend soin de verrouiller la porte. À mon avis il cache là quelque secret inavouable. Je n’ose penser, quoique ce soit possible, qu’il y rencontre de ces disgraciés qui n’ont désir que de te nuire.
- Ayaz est mon ami, lui répondit Mahmoud. Tes soupçons sont absurdes, ils ne salissent que toi. Va-t’en.”
Le vizir se retira satisfait. Quoi qu’en dise le roi, son âme était troublée.
Mahmoud, demeuré seul, fit appeler Ayaz.
“Mon frère, lui dit-il, ne me caches-tu rien ?
- Rien, seigneur, répondit Ayaz.
- Et si je te demandais ce que tu fais, dans la chambre où tu vas tous les soirs, me le dirais-tu ” ?
Ayaz murmura : “Non, seigneur.” Le cœur de Mahmoud s’obscurcit.
Le soir venu, quand Ayaz sortit de sa chambre secrète, il se trouva, dans le couloir obscur, devant Mahmoud et sa suite.
“Ouvre cette porte”, lui dit le conquérant. L’esclave, remuant la tête, refusa d’obéir. Mahmoud gronda : “Si tu ne me laisses pas entrer dans cette chambre, la confiance que j’ai en toi sera morte. Veux-tu cela ?”
Ayaz baissa le front. La clé qu’il tenait glissa de sa main et tomba sur le dallage. Le vizir la ramassa, ouvrit la porte. Mahmoud s’avança dans la pièce obscure. Elle était vide. Au mur pendaient un manteau rapiécé, un bâton et un bol de mendiant. Comme le roi restait muet devant ces guenilles, Ayaz lui dit : “Je viens tous les jours dans cette chambre pour ne pas oublier qui je suis : un errant dans ce monde. Seigneur, tu me combles de faveurs, mais sache que mes seuls biens véritables sont ce manteau troué, ce bâton et ce bol de mendiant. Tu n’as pas le droit d’être ici. Ici commence le royaume des pèlerins perpétuels. Mon royaume. Ne pouvais-tu le respecter ?” Devant l’esclave, le conquérant s’inclina et baisa le pan de son manteau.

 

Source : Henri Gougaud, Contes des Sages Soufis



 


Le Jeune Homme qui voulait être Scribe
 



C'était au vieux temps où les princes s'habillaient parfois en marchands pour aller flairer, dans les rues, les joies et les peines du peuple. Le roi Vikram et son vizir aimaient ces sages randonnées. Or, il advint qu'une nuit froide, comme ils erraient dans un faubourg, l'un vêtu d'habits étranger, l'autre pieds nus comme un esclave, du fond d'une obscure ruelle leur parvinrent un air de chanson, des rires, des envoles de flûte, des tintements de tambourin.
-  Etrange, vraiment, dit le roi. Un fête, en un lieu si sombre ? Allons voir cela de plus près.

Ils avancèrent dans le noir, buttant contre des riens épars et des bestioles galopantes. Les bruits qui venaient d'une cabane de torchis et de bois pourri.
« Comment peut-on rire et chanter dans une misère pareille ? » pensa le roi. Il s'approcha. Par une fente dans le mur il risqua un œil au dedans. Il resta muet un instant puis murmura :
- « Stupéfiant !
- Sire, que voyez vous ? Demanda le vizir.
- Un vieillard assit qui sanglote, un jeune homme qui joue du tambour, de la flûte, une femme au crâne rasé (veuve ou nonne, je ne sais pas) qui chante et danse. L'entends-tu ? Entrons vizir. Je veux savoir ce que ne dis pas ce spectacle. »

Il frappa à la porte basse. Au dedans, silence soudain. Le jeune homme s'en vint ouvrir.
- « Bonsoir, dit-il. Qui  êtes-vous ?
- Des voyageurs perdus, répondit le roi. Nous cherchons une auberge.
- Vous n'en trouverez pas ici. Voyez, pas la moindre lanterne, ni dans cette rue, ni ailleurs. C'est un quartier de pauvre gens.
- Oh vraiment ? Dit le roi, la mine désolée. Si ce n'est pas trop vous demander (hélas, nous sommes étrangers, nous ne connaissons pas la ville) peut-être pourriez-vous nous loger pour la nuit ? Nous ne vous dérangerons pas, nous partirons avant le jour.
- Pardonnez-moi, dit le garçon, nous ne pouvons pas recevoir, ce ne serai pas convenable. Mon père et moi sommes en deuil.
- En deuil, dites-vous ? C'est bizarre. Et ces chants, et cette musique qui nous ont attirés chez vous vous ?
Le jeune homme baissa la tête
- Loin de moi le désir de vous importuner, poursuivit le roi, mais chez nous la coutume veut que l'on veille en compagnie de ceux qui souffrent. Parfois, cela fait quelque bien.
- Votre bon cœur est estimable. Bienvenue chez nous, voyageurs.
Ils entrèrent dans la cabane.

Une lampe au plafond fumait. Le vieillard salua les hommes. La jeune femme, prestement, tira son châle sur son front. La garçon sourit tristement.
- Je vous vois perplexe, dit-il. J'en suis confus. Évidemment, vous ne savez rien de nos vies. Mon père a trimé durement pour m'élever selon son cœur. Son rêve était de me voir scribe au palais de sa Majesté le roi Vikram, bénit soit-il. Il s'est usé jour après jour pour me payer une grande école qui ferait de moi un lettré. Savant, je le suis, mais scribe, non. C'est là sa peine. Je n'ai pu passer le concours.
- Et pourquoi ? demanda le roi.
- Pas de poste libre au palais, depuis des ans, et pour longtemps.
- Votre deuil, est-ce donc cela ?
Le jeune homme hésita.
- En vérité, dit-il, un songe magnifique a visité mon père hier au soir, à peine couché. Dans la lumière du sommeil il a vu un prince venir ce soir même dans sa maison. Il nous apportait le bonheur. Nous l'avons attendu, la minuit est passé, et il n'est pas venu. Et voyez le pauvre cher homme, il ne peut s'en consoler. Il avait voulu que ma femme achète une coupe d'argent pour servir dignement à boire  ce visiteur de haut vol. Il avait honte de nos bols. Comme nous n'avons pas un sous, elle l'a payé de ses cheveux. La coupe ne nous sert de rien, et mon père est triste à mourir. Nous avons chanté et dansé pour le distraire, voilà tout. Nous ne pouvons rien faire d'autre.
Le roi s'émut, baissa la tête, puis la relevant, l'oeil rieur :
- Ami, dit-il, ignorez-vous qu'un concours aura lieu demain dans votre cité d'Ujjaïn ? Votre prince a besoin d'un scribe. C'est en tout cas ce qu'on m'a dit. Vous devriez tenter votre chance, elle vous sourira, j'en suis sûr !
Le garçon en resta pantois.

Le lendemain fut affiché, à l'entrée du palais royal, ce sujet de dissertation : « Un jeune homme joue de la flûte et bat du tambour. C'est la nuit. Une femme au crâne rasé dans et chante un air amusant. Un vieillard écoute et regarde. Il pleure amèrement ? Pourquoi ? » Dans la bibliothèque royale cent candidats s'évertuèrent à répondre à cette question. Le jeune homme fut le seul à écrire un récit parfaitement sensé. Sa plume fut jugée alerte et d'une enviable élégance. Le jury l'en félicita. Le roi Vikram, qui le reçu, lui dit qu'il était satisfait, car il désirait plus que tout avoir auprès de lui des hommes d'assez respectable vertu pour chanter et danser malgré l'adversité. Il eut enfin ce mot : « C'est au plus obscure de la nuit que l'aube prend naissance. » Le garçon s'inclina.


 

Source : Henri Gougaud, Contes du Chemin.


 


Le Rayon de Soleil
 




C'était un jeune berger sans malice, simple d'âme, léger de cœur, nourri de pain et de vent frais, de fromage, d'eau claire et de tranquillité. Il descendit un jour de ses montagnes pour se louer dans une ferme. Depuis son plus jeune âge, il avait vécu seul avec son troupeau, en sauvageon dans la nature, et il ne savait rien de la vie d'un chrétien.

Vint le premier dimanche. Son patron lui dit : « A la messe !
- Mais je ne sais pas ce qu'il faut faire, se défendit-il.
-Tu ira ! Dit le fermier en haussant le ton. C'est facile, tu n'aura qu'à répéter tout ce qu'il se dira. »

Le jeune pâtre s'en fût donc à l'église. Quand il entra, l'office était commencée et les fidèles en étaient au confiteor, le moment du « mea culpa ». Les gens geignaient de tous côtés et se frappaient le front. Le pâtre, étonné, avançait dans la travée en regardant à droite et à gauche. Il ne prit pas garde au bruit de ses talons sur les dalles.
« Oh ! Quelle plaie ces sabot ! » grogna un homme dans la foule. Et tous de continuer à se lamenter : « Culpa mea, culpa mea. » Le jeune berger trouva une chaise et imita ce qu'il entendait : « Culpa mea, oh quelle plaie ces sabots ! »

Deux fidèles pouffèrent dans leur « culpa mea » et l'hilarité se répendit. Il suffisait que l'un s'arrête de rire pour qu'un autre commence. Plus les fidèles essayaient de retenir leurs éclats de rires, plus ils déferlaient, comme des cascade que rien ne pouvait retenir. Et quand l'un d'eux articula entre deux hoquets : « Pardonnez mon rire, Seigneur », c'est l'église toute entière qui s'esclaffa.

Etonné et honteux de rire au milieux du confiteor, les gens ne pouvaient plus s'arrêter. Certains s'étaient mis à genoux pour cacher leur face hilare dans le prie-Dieu. D'autres se signaient en riant. Ceux qui s'étaient preque arrêté et essayaient de se contenir en se griffant jusqu'au sang se rappelaient soudain ce « Culpa mea, quelle plaie ces sabots » et riaient de nouveau.

Le curé, interloqué, fixa de ses yeux durs le pâtre qui ne comprenait pas ce qui se passait. Bref, à la ferme, on ne parla plus de messes ni de chrétienté avant quelques semaines.

Mais à la Pâque, le fermier tint absolument à ce que le jeune berger retourne à l'église pour se confesser. Le garçon se cabra, essaya de refuser, mais le fermier le menaça de le renvoyer.

Donc, après sa journée de travail, le pâtre dirigea ses sabots vers le lieu saint. Pour s'amadouer, il fixait le coq sur le clocher. Il entra. Cette fois, l'église étaient vide. Puis il découvrit le prêtre qui lui dit :
   - Grâce à Dieu, mon fils, te voilà ! Avant de confesser tes fautes à Celui qui pardonne tout, viens un instant t'agenouiller, là, près de moi, devant l'autel, et disons ensemble un Pater. »
L'autre en resta les bras ballants à sourir béatement dans la pénombre de l'allée.
   - un Pater ? Pardon, j'en ai certe entendu parlé, mais je n'en connais pas un mot.
Scandale du gardien du temple. Gargouillement exaspérés, signes de croix, points sur les hanches. Enfin :
   -Mon fils honte sur toi ! (sa voix résonna sous la voûte, et rebondit de murs en murs). Je craignait, à flairer ton âme, un malheureux champs de buissons et me voilà devant un gouffre aussi effrayant que l'enfer !
   - Et vous, répondit, le berger avec vivacité, savez-vous traire les vaches, enlever les broussailles de la queue des brebis et allaiter les petits ?
   -Et le matin, que fais-tu,diable d'homme, gronda le prêtre, à l'heure où l'on prie le Très-Haut, si tu ne sais pas ton Pater ?
   -C'est simple. A l'aube, je sort dans le pré et j'attend les premiers rayons. Et quand le soleil est là je lui dit : « Bienvenu soleil, tu me réjoui la vue. » Puis, pour qu'il sache que je suis content de le voir, je fais deux ou trois cabrioles dans l'herbe mouillé et puis je lui chante une chanson.
   - Le soleil ? Oh, folie païenne ! Oh, misère des ignorants ! Dit l'autre en agitant les mains autour de sa figure pourpre. La lessive s'annonce rude. Misérable, ôte ton manteau et viens-t'en au confessional !

Le berger en hâte obéit, tint sa biaude au bout du bras, pataud, embarrassé, chercha un endroit convenable où la poser, mais n'en vit aucun. Juste à ce moment, le soleil passa devant le vitrail d'en face et projeta dans l'église un long rai de lumière. Le curé le lui désigna :
   -Eh bien, insensé des montagnes, si le soleil est ton ami, dis-lui de tenir ton habit, le temps que je te lave l'âme !
   -Oh, bonne idée, dit le berger.
Le berger s'avança, enleva son manteau.
   -Beau soleil, je te confie mon manteau.
Et il le posa sur le rayon où mille poussières dansaient.

Ce fût peut-être un miracle, peut-être un service rendu entre deux bons amis, rien de plus. Sur le fil de lumière oblique le manteau resta suspendu. Le prêtre tomba devant lui, à genoux, la tête enfoui dans ses mains :
« Pardonnez-moi, Seigneur, dit-il, je ne vous avait pas reconnu »

On dit qu'ils s'en fûrent tous deux vivre dans la montagne. Le prêtre y entendit peut-être ce que les mots ne savent pas, et ce que le murmure des contes ne dit qu'après qu'il s'est tu.  


Source : Henri Gougaud, l'Arbre à Soleil.


 

Le Prince Amoureux



 


 

 

 

 

 

 

 

 



On raconte qu'un jeune prince se prit d'amour, un jour de pluie, pour une princesse mouillé qu'il avait vu à sa fenêtre chercher un abri de fortune sous une tonnelle fleurie. Il accouru à son secours, il voulut l'entrainer chez lui pour se sécher, mais elle retint sous l'averse en affirmant qu'il faisait beau. Ses yeux étaient de tels soleils qu'il fut aussitôt convaincu. Ils restèrent blottis ensemble en espérant qu'il plût toujours. Le lendemain, dans le jardin, ils fêtèrent l'anniversaire de leurs premiers mots échangés. Il lui fit un cadeau par jour. Tous les soirs, elle pria le Ciel de ne pas dormir de la nuit afin que jamais ne s'efface dans les ténèbres du sommeil le visage de son aimé. Une année ainsi s'écoula avant la mauvaise nouvelle.

Une horde de conquérants aux cheveux en queue-de-cheval pillait les terres frontalières. Le prince du coiffer son casque, se vêtir de cuir et de fer. Il promit à sa bien-aimée d'écrire jusqu'à son retour un poème, chaque matin, à la gloire de sa beauté. Il le fit sans manquer un jour.

Il revint couronné d'étoiles. L'ennemi brûlait en enfer. Après le bal de la victoire il ôta son manteau brodé, il prit la main de son amie et l'entraîna jusqu'à sa chambre. c Il la fit asseoir. Il lui dit :
- Ecoutez ce que j'ai écrit.
De la poche sur sa poitrine il sorti son cahier secret. A la lueur d'un chandelier il lut un poème après l'autre. Il s'émut des mots qu'il disait. Il répéta plusieurs passages qu'il trouvait joliment troussés.
- N'est-ce pas beau, ma bonne amie ? S'il vous plaît, écoutez encore.
Elle baissa la tête et pleura. Il en resta bouche ouverte.
- Ce n'est pas moi que vous aimez, dit-elle enfin, ce sont vos phrases, c'est l'exaltation qui vous tient, c'est votre cœur quand il s'emballe. Vous êtes amoureux, c'est vrai, mais hélas, pas de moi, de vous.
Il protesta sans grande force, se vit si pauvre qu'il se tut. Il jeta au feu son cahier. Puis il lui dit qu'il l'aimait assez pour vouloir tout apprendre d'elle. Ce fut ce jour-là, pas un autre, que leur vie commença vraiment.

 

 

Source : Henri Gougaud, Contes du Chemin.




 

Le Choix
 


 




 

Être de ces guerriers-chasseurs à la parole rare et sûre, secrètement aimé des femmes et respectés des paysans, voilà ce que voulait Kofi. Il en avait toujours rêvé. Enfant, à peine savait-il se tenir  ferme sur ses jambes qu'il imitait leur marche lente, leur fierté, leurs regards haut. Il était maintenant à l'âge où il pouvait être admis parmi ces forts. Il avait appris à manier l'arc, la sagaie, à garder l'affût sous le vent aussi longtemps qu'il le fallait. Il était prêt. Il le savait.

Ce matin-là, dernière épreuve. Il devait seul, dans la savane, affronter un père lion. S'il s'en revenait chez les siens avec sa peau sur son épaule, il ferait partie de la caste.  S'il échouait, « plutôt mourir », se disait-il, la tête haute. Il avait vu rentrer bredouilles, le soir venu, quelques ainés. Les filles s'étaient détournées pour rire de leur pauvre mine. Ceux-là n'étaient plus bons à rien qu'à mener les troupeaux à l'herbe, ou vivre courbé sur leur champs. Il ne serai jamais des leurs.

Il s'en fut sans se retourner dans la brume du petit jour. Il connaissait bien le pays. Sous une falaise, vers l'est, au seuil d'une grotte cachée, un vieux père lion veillait sur son domaine aux arbres rares. Il l'avait souvent aperçu, errant derrière des buissons. Il y fut droit. Il y parvint vers midi, à l'heure sans ombres. Il y faisait une chaleur à décourager les oiseaux. Il trouva le refuge vide. Il pensa : « il est allé boire ». Il s'accroupit derrière un roc, l'attendit, s'impatienta, courut enfin jusqu'au trou d'eau. Il n'y trouva qu'une gazelle. Elle détala quand il parut. Il s'en alla, rageur, parmi les hautes herbes. Il scruta les mille horizons, il appela. Ce fut en vain. Il s'inquiéta. Le ciel pâlit. Le soleil, à l'ouest, rougeoya. Il s'imagina revenir sans rien sur le dos. Il eu honte. Il ne savait plus où chercher. Il s'assit contre un arbre sec. Ce fut alors qu'il l'aperçu, couché sur une pierre plate.

C'était un lion prodigieux. Sa crinière était toute blanche. Kofi se ramassa, attendit son assaut. La bête resta impassible, les yeux mi-clos, luisants. Il cogna du pieds, il gronda, il fit virevolter sa lance. L'autre ne bougea pas d'un poil. Comment cela se pouvait-il ? Un lion en danger attaque. Celui-là, non. Il l'observait. Le garçon fit un pas, puis deux. Il s'arrêta, il se pencha. Il vit du sang sous le poitrail. Le lion ne l'attaquait pas parce qu'il n'en avait pas la force. Il était blessé. Il souffrait. Kofi se sentit envahi d'une bouffée de joie féroce. Il n'avait plus qu'à l'achever et s'en revenir au village avec cette crinière blanche, cette peau, ces griffes de roi. Quel accueil, quel triomphe et quelle haie d'honneur lui ferraient les guerriers ! On lui demanderait de conter son combat. Que dirait-il alors ? La pauvre vérité ? Impossible. Il s'assit dans l'herbe. Le lion l'observait toujours. Alors Kofi, dans son regard, lut des paroles silencieuses. Elles étaient simples, vraies, tranquilles. Elles n'avaient rien de douloureux.
- Prends ma vie, garçon, disaient-elles, et ton clan sera fier de toi. Tu racontera ton combat, tu l'inventeras, peu importe, on se plaira à l'écouter. Qui mettra ta parole en doute ? Personne, sauf qu'au fond de toi tu saura que tu as menti, que tu n'es pas celui qu'on croit. Veux-tu cela ? Si oui, tue-moi. Sinon tu écoute ton cœur, tu me laisse mourir tranquille, tu t'en retourne, le front bas, et tu fait honte à ta famille. Mais tu saura au fond de toi que tu vaux bien plus qu'un guerrier. Choisi la route qui te va.

Kofi resta resta toute la nuit auprès du lion magnifique. Au matin il rentra chez lui. Il n'avait rien sur les épaules. Personne ne le salua. Il s'en alla droit à l'enclos où dormais encore les bêtes. Il fut berger, rien que cela.




 

La Voix des Sables
 



Il était une fois un vieux fleuve perdu dans les sables du désert. Il était descendu d'une haute montagne qui se confondait maintenant avec le bleu du ciel. Il se souvenait avoir traversé des forêts, des plaines, des villes, vivace, bondissant, puis large, fier et noble. Quel mauvais sort l'avait conduit à s'enliser parmi ces dunes basses où n'étaient plus aucun chemin ? Où aller désormais, et comment franchir ces espace brûlé qui semblaient infinis ? Il l'ignorait et se désespérait.

Or, comme il perdait courage à s'efforcer en vain, lui vint des sables une voix qui lui dit :
   « - Le vent traverse le désert. Le fleuve peut en faire autant. »
Il répondit qu'il ne savait voler, comme faisait le vent.
   « - Fais donc confiance aux brises, aux grands souffles qui qui vont, dit encore la voix. Laisse-toi absorber et emporter au loin. »

Faire confiance à l'air hasardeux, impalpable ? Il ne pouvait accepter cela. Il répondit qu'il était un terrien, qu'il avait toujours poussé ses cascades, ses vagues, ses courants dans le monde solide, que c'était là sa vie, et qu'il lui était inconcevable de ne plus suivre sa route vers des horizons sans cesse renouvelé. Alors la voix lui dit (ce n'était plus qu'un murmure) :
   « -La vie est faite de métamorphoses. Le vent t'emportera au-delà du désert, il te laissera retomber en pluie, et tu redeviendra rivière. »

Il eut peur tout à coup. Il cria :
   « -Mais moi je veux rester le fleuve que je suis !
   - Tu ne peux, dit la vix des sables. Et si tu parles ainsi, c'est que tu ignore tout de ta véritable nature. Le fleuve que tu es n'est qu'un corps passager. Sache que ton être impérissable fut déjà maintes fois emporté par le vent, vécut dans les nuages et retrouva la Terre pour à nouveau courir, ruisseler, gambader.

Le fleuve resta silencieux. Et comme il se taisait un souvenir lui vint, semblable à un parfum à peine perceptible. « Ce n'est sans doute qu'un rêve », pensa-t-il. Son cœur lui dit : « Et si ce rêve était ton seul chemin de vie désormais ? »

Le fleuve se fit brume à la tombée du jour. Craintif, il accueilli le vent, qui l'emporta. Et soudain familier du ciel où planaient les oiseaux, il se laissa mener jusqu'au sommet d'un mont. Loin au-dessous de lui les sables murmuraient :
   « -Il va pleuvoir là-bas où pousse l'herbe tendre. Un nouveau ruisseau va naître.


 

Source : Henri Gougaud, Contes des Sages Soufis


 



La Jarre Fêlée
 




Tous les matins, un paysan chinois allait chercher de l'eau à la rivière.Il remplissait deux grandes jarres qu'il portait ensuite aux deux bouts d'un solide bâton posé sur ses épaules. Celle de droite était parfaite, joufflue, luisante, fière d'elle. Celle de gauche était fêlée, elle perdait son eau en chemin et donc en était affligée. Elle en souffrait, car elle avait le sentiment de ne pas accomplir correctement ce pour quoi elle était faite. Elle en avait honte, tellement honte qu'un un jour, elle demanda pardon au paysan.
    - Te pardonner? s'étonna t'il. Pourquoi donc ? Qu'as-tu fais de mal ?
    - Tu le sais bien, lui dit-elle. Chaque jour tu nous rempli d'eau à ras bords, tu t'échine, tu t'exténue à nous porter à la maison et, quand enfin nous arrivons à la maison, ma compagne a fait son devoir, elle a la conscience tranquille. Moi, non. J'aimerai être comme ma compagne, mais vois, je suis vide à moitié, et tu dois m'en vouloir beaucoup.
    - Oh non, dit l'homme. Regarde le rebord du chemin, de ton côté. Que vois-tu ?
    - Des fleurs, des fleurs partout, tout le long de la route.
    - L'eau que tu perds, jarre fendue, les arrose tous les matins. Tous les matins elles te bénissent et moi  je te bénis aussi, car chaque jour je peux offrir un bon bouquet à à mon épouse. Tu fais la joie de ma maison. Regarde de l'autre côté. Ta compagne, certes, est parfaite, mais que vois-tu ?
    - Il n'y a rien, rien que de la poussière, des cailloux.
    - Certes, ta compagne fait au mieux son travail de jarre, mais elle n'a pas ton talent. Chacun fait selon sa nature ! Ne change rien ma bonne amie. Et ne regrette pas tes failles. Vois comme elles nourrissent la vie.

 

Source : Henri Gougaud, Contes du Chemin.


   



 

La Fourmi Amoureuse
 




Le roi Salomon, cheminant un jour par les sentiers du désert, rencontra une fourmilière. Toutes les fourmis aussitôt vinrent à lui pour saluer l'emprunte de ses pas. Une seule ne se soucia pas de sa présence. Elle resta devant son trou, occupé à un labeur apparemment infini. Salomon l'aperçu à l'écart de ses compagnes. Il se pencha sur son corps minuscule et lui dit :
-  «  Que fais-tu donc, bête menue ?

La fourmi lui répondit, sans se laisser autrement distraire de son travail :

- Vois, roi des rois, un grain après l'autre je déplace ce tas de sable.
- Ô fourmi généreuse, lui dit Salomon, n'est-ce point là un labeur exagéré pour tes faibles forces ? Ce tas de sable te dépasse de si haut que tes yeux ne sauraient en voir la cime. Aurais-tu donc la longévité de Mathusalem et la patience de Job, tu ne pourrai espérer l'effacer de ta route.
- Ô grand roi, lui répondit la fourmi, c'est pour l'amour de ma bien-aimée que je travaille ainsi. Cet obstacle me sépare d'elle. Rien ne pourra donc me distraire de son effacement. Et si à cette œuvre j'use toute mes forces, au moins je mourrai dans l'étrange et bienheureuse folie de l'espérance. »

Ainsi parla la fourmi amoureuse. Ainsi le roi Salomon découvrit, sur le sentier du désert, le feu de l'amour véritable.

 


Source : Attar', la Conférance des Oiseaux (Adaptation Henri Gougaud)


 



La Conférence des Papillons
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Des papillons se réunirent, en conférence, un soir d'été. Ils adoraient tous en secret la flamme nue d'une bougie.
- l’un d'entre nous , se dirent-ils, doit se rendre en mission près d'elle, et rapporter de ses nouvelles. Il nous faut savoir qui elle est.

L'un  d'eux s'en fut. Il voleta jusqu'au seuil d'une maison proche. Il vit à travers la fenêtre un halo de lueur doré qui couronnait apparemment, un bâton de cire. « Moi, je connais l'amour » se dit-il. Il s'en revint à tire-d'aile, décrivit la chose aperçue. Le président de l'assemblé hocha la tête. Il fit la moue.
- Notre ami, dit-il en substance, n'a pas vu la bougie de près. Il ne peut donc en conséquence, nous parler d'elle en vérité.

On envoya un autre expert. Celui-là franchit la fenêtre qui était ouverte et comme aimanté par la bougie, s'approcha d'elle. Il effleura de l'aile la flamme, et poussa aussitôt un cri de papillon. « Moi, je connais la brûlure de l'amour » se dit-il. Il revint en hâte à ses compères et révéla, tout essoufflé, qu'il s'était quelque peu brûlé. Le président lui répondit :
- Témoignage incomplet  mon cher, et largement insuffisant. Nous voulons savoir d'avantage.

Un troisième, ivre de passion , s'en fut sans qu'on lui demande. Le vent souleva le rideau, il entra, la flemme était si belle, si pure, si lumineuse et si dansante que tout entier il l'embrassa, et que tout entière elle l'embrasa. Il partit en fumées. On vit de loin ce compagnon un bref instant éblouir l'ombre.

- Celui-là, dit le président, a poussé l'ouvre jusqu'au bout. Lui-seul c'est ce que veut dire s'anéantir, lui seul connait l'amour véritable.


 

 

Source : Attar', la Conférance des Oiseaux (Adaptation Henri Gougaud)


 


 

L'Absence d'Agathe

 


Agathe était nonne au monastère de Notre-Dâme-de-la-Charité. Elle en était la sœur portière. Elle était chargé de surveiller les allées venues au seuil de la lourde porte en chêne qui fermait le couvent. Après matines, elle s'installait sur le banc à côté de la porte. Toute la journée, elle ouvrait la porte, la fermait, l'ouvrait, la fermait; et le soir elle verrouillait, d'un tour de grosse clef, l'accès au monastère.

Avec le temps, la monotonie de cette besogne lui pesa. Elle avait beau se répéter que son patron était Saint Pierre, qui veillait sans relâche à la porte du paradis, elle trouvait sa vie morne et répétitive. Un concierge encore, dans la folie du monde, parle, discute, observe. Mais dans le couvent, sœur Agathe ne pouvait parler à des nonnes qui avaient fait vœux de silence. Elle n'avait rien à observer que la lourde porte de chêne et les voiles blanc qui se croisaient. Et la prière ne lui était d'aucun secours car son corps était engourdi et son âme agitée.

Bientôt, elle se mit à rêver d'être ailleurs. Cette pensée,  plongeant dans la mer des désirs longtemps retenu, devint folle, impétueuse comme un torrent. Ailleurs... N'importe où... Tout lui semblait plus désirable que cette condition de portière, coincée au seuil, ni vraiment dedans, ni vraiment dehors.

L'idée, à force, déboucha sur une décision. Le matin suivant, la nonne ne s'assit même pas sur son banc de pierre. Après avoir ouvert la lourde porte de chêne, elle retourna dans la chapelle et déposa les clefs sur l'autel, au pieds de la statue de la Vierge. Elle se signa et s'enfui sans regarder derrière. Elle découvrit l'horizon devant elle, poussa un grand soupir de soulagement et descendit en souriant vers la ville.

Comme elle ne voulait pas être reconnu, elle ne s'attarda pas dans la ville haute, où les sœurs venaient parfois en visite. Elle descendit jusqu'à la ville basse, qui était peuplé d'une tout autre foule. Voleurs, violeurs, assassins et malfrats se retrouvaient dans les tavernes et s'enivraient jusqu'à l'aube.

La nonne ne put débattre longtemps, dans ces bas-fonds, de la place qu'elle souhaitait tenir dans le monde. Un bandit, qui ne craignait ni le ciel ni l'enfer, déchira son habit de religieuse et, sans y être invité, entra en elle. Il fût suivit de beaucoup d'autres, tous passaient le seuil sans besoin d'aucune clef et ils ressortaient lorsqu'ils étaient comblés. La nonne, à peine affranchie devint fille perdu.

Le temps passa, elle fût écoeuré d'elle-même. L'ancienne sœur Agathe qui rêvait jadis de discuter à tort et à travers ne supportait pas les propose des autres  prostitués. L'amour, qui l'avait fait rêvé était devenu une torture, et elle se savait désormais voué aux enfers, en fait, elle y était déjà. Elle songeait à son ancienne vie comme à un paradis perdu. De la rue étroite qu'elle n'osait plus quitter, elle levait parfois les yeux vers le couvent. Ses murs blanc, son clocher, ses sœurs insouciantes... Mais elle n'osait pas revenir: après sa déchéance, comment l'accueillerait-on?

Un soi, plus désespéré que jamais, elle but pour s'oublier. Elle n'eut pas besoin pour cela de beaucoup d'eau-de-vie. Elle sortit alors de la taverne et s'en fût en titubant. Elle voulait respirer le grand air, s'échapper un peu.

Comme ça, un pas après l'autre, elle s'aventura hors de son territoire. Ses pieds la menèrent sur le chemin qui gravissait la colline de la ville basse à la ville haute, puis de la ville haute jusqu'au monastère. Il fallait qu'elle soit hors d'elle-même pour accomplir la folie dont elle rêvait depuis tant de mois. Elle sonna. Une nonne lui ouvrit et l'accueilli chaleureusement :
« Bienvenue, sœur Agathe. »
Elle la laissa entrer.

Dans le clair de lune, Agathe distingua que la nouvelle sœur portière lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, lui ressemblait à s'y méprendre. C'était elle exactement. Elle se dégrisa d'un coup et regarda la nonne. La nonne sourit, puis redevint elle-même : le visage de la tendresse pure entouré d'un voile bleu. Elle remonta au ciel dans le noir finissant de la nuit. Marie, la Mère Universelle avait pris sa place. Ainsi, pendant sa longue absence, personne au couvent n'avait soupçonné l'escapade d’Agathe...

 

 

 

Source : Natalie Léone, Conte des sages Chrétiens.
 

 

 


Fahima au Quatre Visages
 




Son nom était Fahima. Elle était de noble famille, et belle autant que sage. D'ailleurs, Fahima signifie « Celle qui comprend ». Tous les jeunes gens de Basra la regardaient comme la femme la plus désirable du monde. Beaucoup avaient tentés de la séduire, mais la lumière de ses yeux avait brûlé leurs paroles avant qu'elle n'eussent osé sortir de leur bouche. En vérité, elle entendait les pensées silencieuses. Elle comprenait tout de ceux qui l'approchaient sans qu'il n'ai besoin de parler. Ce n'était pas un don béni. Elle souffrit tant de la musique trouble et froide qu'elle percevait dans l'âme des hommes qu'un jour elle s'en détourna à jamais. Elle s'enferma dans le château de ses ancêtres et ne voulu plus voir personne. Elle était alors dans le plein éclat de sa beauté.

Or, un matin, comme elle contemplait un vol d'oiseaux sur sa haute terrasse, le soleil entre deux nuées illumina son visage. Au même instant le prince de Basra traversait la place en face de sa demeure. Il l'a vit, en fut ébloui et tira si vivement sur ses rênes qu'il fit se cabrer son cheval noir. C'était un homme impétueux. Le soir même, tout enflammé d'amour violent, il força sa porte, vint au-devant d'elle à grands pas impatients et lui ordonna de l'épouser. Elle le regarda fière et moqueuse. Il ne baissa pas les yeux, et ce qu'elle vit dans l'esprit de cet homme l'émut. Elle lui répondit :
- Je ne veux ni ruse ni violence. Tu n'es pas digne de moi.
- Par force ou par désir tu m'aimeras, gronda le prince. Nul ne m'a jamais résisté.
Il appela ses garde et la fit enlever. Elle ne résista pas. Elle se laissa conduire au palais où elle fût jeté dans une cave étroite fermé de barreaux cadenassés.

Le lendemain, le prince descendit à la porte de ce cachot. A la lueur de sa torche, il la vit immobile et droite. Elle semblait l'attendre.
- Fahima, lui dit-il, tu es en mon pouvoir. Accepte de me prendre pour époux et tu seras la plus aimée des femmes. Si tu refuse, n'attends de moi aucune pitié. Tu restera ma prisonnière.
Elle ne répondit pas. Il lui parla encore, à mots furieusement passionnés. Alors elle lui dit comme la veille qu'elle était prête à subir mille morts plutôt que de se soumettre à la violence qui lui était infligée. Le prince s'en alla, rogneux et dépité. Il revint le lendemain et tous les matins, de longues semaines durant, sans que jamais lui fût faite d'autre réponse, jusqu'au jour où Fahima apprit par un geôlier un peu bavard que son amant inacceptable était parti en voyage politique chez le calif de Bagdad, pour on ne savait combien de temps.

Or, pas un instant depuis sa capture elle ne s'était résignée à son malheureux sort. Toutes les nuits, elle s'était acharnée à construire un tunnel sous la muraille qui lui interdisait le monde. Ce tunel était maintenant ouvert sous les étoiles. Elle sortit, revint chez elle, fit sceller son cheval et s'en alla, elle aussi à Bagad. Elle parvint longtemps avant le prince, alourdi de présents et contraint, dans chaque ville traversée, à d'interminables palabres et festins. Dès qu'elle y fut, elle loua une agréable maison dans la rue qui conduisait au palais du calife, acheta du henné, des fards et des teintures, et changea d'apparence.

Le prince, un matin doux, entra enfin dans Badad la superbe. Comme il passait à la tête de sa caravane devant la demeure de Fahima, il la vit à sa fenêtre. Il ne la reconnu pas, mais aussi violent qu'à Basra il fut touché par sa beauté. Le soir même il la fit inviter au palais. Elle lui parut moins farouche que cette trop fière déesse qu'il tenait enfermé dans sa cave lointaine. Il lui offrit de l'épouser. Elle accepta.

Après une année de bonheur insouciant, Fahima mit au monde un fille. Le prince son époux n'eu pas le temps d'en être heureux : le jour même de sa naissance il fut prévenu que d'impotantes affaires l'attendaient à Tripoli. Il se vit donc forcé de rameuter sur l'heure ses caravaniers et de laisser là son épouse sans lui dire s'il reviendrait un jour.

A peine avait-il quitté Bagdad que Fahima fit ses bagages. Elle confia son enfant à sa plus fidèle servante et, sur son cheval rapide s'en alla à tripoli. Elle y fut rendu trois jours avant celui qu'elle aimait d'un amour exigeant et secret. Comme elle l'avait fait à Bagdad, elle loua une maison de belle allure (ce fut cette fois-ci sur la grand-place de la ville) et teinta de couleurs nouvelles l'éclat de son regard.  Le jour de l'arrivée du prince, elle fit en sorte d'être aperçu devant sa porte. Elle vit se cabrer son cheval et , rencontrant ses yeux tout à coup fascinés, elle sut que son époux n'allait pas tarder à oublier les visages et les corps qu'il avait laissé derrière lui. Il l'invita dans sa nouvelle résidence. Elle y vint. Il lui prit les mains et lui dit, tout émerveillé, qu'il avait connu des femmes qui lui ressemblaient, mais qu'aucune n'égalais sa beauté. Elle lui sourit avec une mélancholie qui le bouleversa. Trois jours plus tard, il l'épousa.

Au terme d'une nouvelle année infiniment amoureuse, Fahima accoucha d'un garçon. Le prince n'en jouit pas plus que de sa fille. Sept jours après sa naissance, de nouvelles affaires l'appelèrent à Alexandrie. Il vécu quatorze mois dans cette ville où il connu encore, à son insu, l'amour invincible de Fahima, une nouvelle fois travestie. Il eut d'elle un nouveau garçon. Mais à peine cet enfant était-il né que son insaisissable père fut pris de nostalgie. Une faille venait de s'ouvrir en lui. Basra lui manqua, peut-être aussi celle qu'il y avait laissé. Son épouse le préssenti. Un matin elle s'embarqua la première, en grand secret, pour cette cité bien-aimé où était la maison de ses ancêtres, et s'en fut attendre le prince dans l'obscure cachot où il l'avait autrefois enfermé.

Il vint. Elle entendit sonner son pas dans l'escalier de la cave, suivit la lueur de sa torche le long de la muraille et vit enfin son visage de l'autre côté des barreaux. Il avait l'air las et perdu. Il ouvrit la porte et lui dit :
- Sans que je sache comment, mon esprit s'est brisé au cours de mon dernier voyage. Sans doute ai-je trop couru après des bonheurs illusoires. Je suis venu implorer ton pardon pour les mauvais traitement que je t'ai fait subir. Tu avait raison, je suis indigne de toi, et à l'instant où je sais cela, je sais aussi que je n'aimerai jamais que toi. Va, et soit libre, à moi désormais d'entrer dans la souffrance.
- Raconte-moi ta longue absence.
- A quoi bon ? Ce que j'ai fait est sans remède.
- Parle, je veux tout savoir de ton cœur.
Il avoua ses trois mariages, ses trois enfants laissés au loin. Quand il se tut :
- Homme de peu de sens, bénis-moi, lui dit Fahima, car je suis seule à pouvoir dénouer les fils de ta folie. Remonte dans la grande salle et attends là le bonheur que te mérite l'humble aveu que tu m'a fait.
- Je ne comprends rien à tes paroles, répondit seulement le prince. Ma vie est perdue, car ce qui est fait ne peut être défait.
Il s'en fut.

Revenu dans la grande salle bruissante de courtisants, il s'assit sur son trône et, la tête basse, s'enferma dans sa tristesse. Il y demeura jusqu'à ce que le soleil de midi baigne les fenêtres ouvertes. Alors Fahima entra avec ses trois enfants.

Le prince, la voyant s'avancer vers lui, comprit que les quatre femmes qu'il avait aimées n'étaient en vérité qu'une seule. Il perdit au même instant toute fureur, toute arrogance, et son désespoir s'éteignit. Alors il bénit le Ciel et ouvrit ses bras à celle qui avait su l'aimer au-delà de toute raison et l'instruire au-delà de toute parole.

 

 

 

Source : Henri Gougaud, Conte des Sages Soufis.















 




L'Amant Véritable
 

 

C'était un amant droit, un amant véritable. Un jour, après avoir médité une pleine année dans un grotte du désert, il s'en alla frapper à la porte de sa bien-aimée. Derrière la porte close, il entendit sa voix. Elle demanda :
- « Qui est là ?
- C’est moi, dit l'homme, sur le seuil.
- Il n'y a pas de place pour toi et moi dans la même maison, répondit la voix de sa bien-aimée derrière la porte close.

Alors cet homme droit, cet amant véritable s'en retourna dans le désert où une pleine année encore il médita. Quand enfin il revint frapper à la même porte, à nouveau il entendit la voix de sa bien-aimée. À nouveau elle demanda :
- « Qui est là ?
Cette fois l'homme droit répondit :
- C’est toi-même. »
Et la porte s'ouvrit.


 

 

Source : Henri Gougaud, Contes des Sages Soufis.

 


 



Un désir suffisant

 


On raconte qu'un jeune Indou affamé de vérités rares s'en alla voir un ermite, un jour, dans sa cabane au bord de l'eau.
- Maître, dit-il, enseignez-moi.
- Que veux-tu apprendre, mon fils ?
- Le sens de la vie, son secret, pourquoi je suis venu au monde, quel est mon destin ici-bas, et quel il sera au-delà, lorsque j'aurai quitté mon corps.
L'ermite contempla longtemps le garçon assis devant lui, à quelques pas du vaste fleuve. Il dit enfin :
- Veux-tu vraiment ? L'apprentissage est éprouvant.
L'ignorance est comme la crasse, il faut savoir s'en nettoyer, et l'on m'a dit grand bien de vous.
- Le maître ne peut pas grand chose si le désir de l'apprenti n'est pas aigu et pénétrant comme une lance de guerrier. Attends encore quelques lunes, tu n'es pas assez aiguisé.
L'autre rougit, s'impatienta.
- Maître, dit-il, s'il vous plaît ne me chassez pas. Mon désir d'apprendre est sincère.
- Sincère n'est pas suffisant.
- Que me faut-il d'autre ?
Le vieux réfléchi un instant.
- D'accords, je vais t'apprendre quelque chose. Viens avec moi au bord de l'eau.
Le jeune garçon empli de joie suivit le vieux maître jusqu'au bord du rivage.  Tous deux s'agenouillèrent là, puis l'ermite dit au jeune homme :
- Courbe-toi. Plonge ta figure.
Il obéit. Alors le vieux le prit rudement par la nuque et maintint sa tête sous l'eau. Le jeune homme se débattit. À bout de souffle, à bout de force, il se redressa violemment.
- Voilà ce que j'appel un désir suffisant. Quand ton désir d'apprendre sera aussi vital que que le besoin d'air de ton corps, reviens me voir, dit le vieil homme. En attendant vis, mon garçon.

 

Source : Henri Gougaud, Contes du Chemin.


 


Ayaz Malade
 



Ayaz, un beau matin, se sentit pâlichon. L’œil d'un mauvais chat noir s'était posé sur lui. Celui de son sultan, autant anxieux que vif, examina sa langue. Ayaz était malade et Mahmud s'attrista. Le soufrant revint donc au lit et tira le drap sur sa tête, gémissant, perclus de partout, fiévreux comme un damné au four. Le soir venu, Mahmud s'enquit de son état. Il lui fut répondu qu' Ayaz n'allait pas mieux. Alors son maître inquiet lui fit porter ces mots :
« Nous voilà privé l'un de l'autre, toi de moi, ô disgracié, et moi de ta présence aimée. Ta maladie m'offense autant qu'elle te soucie. Tu vas mal, je ne vais pas bien, et je ne sais qui de nous deux endure le pire chagrin. Mon corps est éloigné de toi, mon tout précieux, mon confident, mais sache que mon âme est là, plus proche de toi, s'il se peut que tu ne l'est de ta propre âme. Pas un instant elle ne te quitte. Elle te désire, elle te béni. Que maudit soit ce mauvais œil qui accable mon bien aimé ! »

Ayant ainsi parlé, il prévint rudement le serviteur chargé de porter son message.
- Fais vite, lui dot-il. Bondit comme le feu et les fumées au vent, fonce comme le fleuve au travers les cascades et va comme l'éclair déchirant les nuées.  Que rien sur ton chemin ne freine ton galop. Si j'apprends que tu t'es retardé, tu te retrouvera au seuil de l'au-delà avant d'avoir compris que tu quittais ce monde.
L'autre en hâte s'en fut, affolé, dératé, parvint, le souffle court, à la chambre d'Ayaz.
Il y trouva le roi auprès de son ami. Il ouvrit grand les yeux, resta la bouche ouverte et murmura :
- Ce qu'un roi dit, un roi le fait. Adieu mon sang, adieu ma vie !
Il dit encore les mains jointes, jurant par les saints noms d'Allah :
- Majesté, sachez-le, j'ai couru tout d'un trait. Mon pieds n'a cessé de voler, je ne pouvais aller plus vite, et pour dire la vérité, voir mon roi ici avant moi m'est un insondable mystère. Que je sois à jamais maudit si j'ai manqué à mon devoir !
Le roi lui répondit :
- Tu ne peux rien savoir de cette intimité qui abolit l'espace. Aller vers Ayaz m'est facil, un chemin secret m'y conduit. Je ne peux pas vivre sans lui. Par où je viens ? Nul ne le sais. Nombreux sont entre lui et moi les confidences sans paroles, les passages, les raccourcis. Je peux t'envoyer près de lui, m'inquiéter du froid de ses os. Je sais au fond ce qu'il ressent. Je n'en dis rien, c'est mon secret. Mais rien au monde, en vérité, ne peut me séparer de lui.

 

 

Source : Henri Gougaud, Conte des Sages Soufis.




 


La Foi
 


Qui n'a jamais connu le doute, le souci, le brouillard où l'âme s'égare, et désespère, et perd le nord ? Ce jeune homme-là traversait ces intempéries. Son ciel avait viré au sombre. Or il avait un oncle qui était moine et qu'il aimait de belle affection. Il s'en fut donc un our le voir dans son monastère occitan. Ils se donnèrent des nouvelles, à l'ombre du cloître fleuri puis, après un brin de silence, le garçon risqua, le front bas :
- Mon oncle, j'ai perdu la foi.
- C'est là tout ce qui te tracasse ? Répondit l'oncle. C'est banal.
Il haussa les épaules et il rit.
- Tu ne comprends pas, reprit l'autre. Les Évangiles, Jésus-Christ, la Vierge, Dieu, je n'y crois pas.
- Oui, j'ai compris. Bon. Et alors ?
- Cela ne te touche pas plus ? Quoi, tu es moine, tout de même !
- Voyons, dit l'oncle, parle clair. Tu ne sent pas Dieu, c'est d'accord. Est-ce que tu en a de la peine ?
- Mais bien sûr dit le garçon,si la vie n'a plus de sens, elle m'est insupportable !
- Hé, mon fils, de quoi te plains-tu ? La foi, c'est cela, rien de plus.


 

Source : Nathalie Léone, Conte des Sages Chrétiens.



 


Ainsi soit-il
 


C'était au temps incertain de début du christianisme. Ici, on commençait tout juste à apprendre la rumeur que quelque chose d'important, mais on ne savait pas trop quoi, s'était passé, là-bas, bien  loin, quelque part au bout l'extrême orient. Ainsi l'Europe commençait à se voir sillonnée par ces errants évangélistes, ces vagabonds mystiques. Parmi eux était un vieil aveugle à la parole d'or. Voilà le saint ermite au pieds nus qui un jour arrive dans la ville d'Arles. Lorsqu'il arriva sur la place, tous les arlésiens se regroupèrent pour écouter cette homme dont les paroles étaient meilleur que miel. Les gens firent silence et l'aveugle se mit à parler. Il raconta la grande histoire de la création. Et sa paroles était si belle que pas un des villageois ne songea à retourner à son ouvrage, et sa paroles était si profonde que pas un ne songea à se coucher malgré les heures de la nuit qui s'écoulait, et sa parole était si merveilleuse, que le soleil lui-même ne voulu pas partir avant que l'homme eu fini son discours. Et il conta ainsi, toute une journée et toute un nuit, sous un soleil immobile, les mystères et les grandeurs de la création. Et chacun but, et chacun fut rassasié, et chacun fut guéri de ses douleurs profondes.

Alors, quand il eu fini son discours et que chacun eu répondu l' « ainsi soit-il », le soleil se dépêcha de courir à l'est pour faire croire qu'il se levait, et les arlésien, émerveillées, s'approchèrent de l'homme et lui dirent : « Vraiment saint homme, tu nous a fait du bien. Tu nous a nourri, soigné, éclairé, nous aimerions te rendre un peu des bontés que tu nous a faites. Parle, que pouvons-nous pour toi ? » Et le vieil homme répondit qu'il n'avait besoin de rien, qu'il allait reprendre son bâton et espérait poursuivre son chemin sans encombre jusqu'au prochain village. Les visages s'éclairèrent.  « Saint homme, lui dirent les villageois, pour rejoindre le village suivant, il va te falloir traverser le désert de la Crau. Et aveugle comme tu es, tu vas te perdre. Tu aura besoin d'un guide et nous en avons un pour toi ». « Ainsi soit-il » répondit l'ermite.

Voilà donc dès le jour levé le vieil errant avec son guide -un jeune garçon déluré et débrouillard qui connaissait le désert comme sa poche- qui s'éloignent sur le sentier. Il fait chaud, c'est le plein été. Au bout de quelques heures de marche, le jeune garçon commence à  avoir les jambes lourdes, son talon lui fait mal, il aimerait bien une pause, d'autant plus qu'il a du pain et du fromage dans sa besace dont il aimerait bien vérifier la composition. Mais, ce garçon a sont orgueil, il veut que cela soit le vieux qui décide de s'arrêter, surtout pas lui. Alors il l'observe, mais le vieux marche toujours de son pas assuré. Midi arrive, puis 2h, il fait de plus en plus chaud, le garçon n'en peu plus, il peine, souffle, il râle, commence à glisser sur les cailloux. Ses yeux se tournent vers l'ermite. Lui par contre, on a l'impression qu'il est parti pour l'éternité, il chantonne, le pas alerte et léger, pas une goutte de sueur à son front... alors le garçon se dit : « alors là ce n'est plus possible, il faut que je trouve une idée pour forcer ce vieil increvable à prendre une pause.» Et sa malice trouve l'idée qu'il lui faut. Il dit soudain à l'ermite :
   « Oh, saint homme, savez-vous ce que je vois ? 
   -  Non , répondit l'ermite.
- Une troupe d'homme et de femmes qui vienne par le sentier. Ce sont les habitant de l'autre village, il ont du entendre parler de votre parole d'or et ils sont venu à votre rencontre pour vous écouter. Il sont assis là, en silence.
- Dans ce cas, je suis prêt à leur dire les beauté des mystère et les bontés de Dieu, mets-moi devant eux, mon garçon.

Et le gamin, au beau milieu de l'immuable désert, mit le saint homme devant rien. Il n'y avait rien, personne, simplement les cailloux, les brins d'herbes et les insectes du désert. Le gosse s'assoit à l'ombre d'un rocher et dévore son pain et son fromage.

Et l'aveugle se mit à parler, seul dans le désert, d'une voix claire. Mais ce jour là, par quel miracle ou par quel drôle de hasard, il parla beau comme jamais. Jamais de sa vie, il n'avait dit avec autant de grandeur les beautés de la Création. Jamais de sa vie, sa parole n'était allé si profond dans les mystères du monde. Jamais de sa vie, sa parole n'avait été d'un or aussi pur. Mais pour l'écouter, il n'y avait que les cailloux, les brins d'herbes et les insectes du désert. Pourtant, à la fin, quand il eu béni le désert et prononcé l'Ainsi soit-il, tous les cailloux, tous les brins d'herbes et tous les insectes du désert répondirent en choeur: « Amen. »

Et le vieil homme reprenant sa route le visage illuminé dit à l'enfant : en vérité tu as bien fait de m'arrêter pour parler, car  nous avons rencontré de biens braves gens. »

Source : Henri Gougaud, l'Arbre à Soleil (ou l'Arbre d'Amour et de Sagesse !)

 

bottom of page