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GRÉGOIRE DE NYSSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plongeons chez l'un des trois « pères cappadociens » , au coeur de la pensée du IVème siècle. Grégoire de Nysse, moine et évêque, fut un théologien et un mystique.

 

PREMIÈRE HOMÉLIE

SUR LE CANTIQUE DES CANTIQUES DE SALOMON

(Extrait)
 

L’âme, fiancée du Seigneur

Le texte présente l’âme comme une fiancée, parée pour une union incorporelle, spirituelle et sans souillure avec Dieu. Celui qui « veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm  2,4) expose là le moyen le plus achevé, le moyen bienheureux d’être sauvé, j’entends celui qui passe par l’amour. Certains peuvent aussi trouver le salut dans la crainte : à considérer les châtiments qui nous menacent dans la géhenne, nous nous gardons du mal. Il en est également qui mènent une vie de droiture et de vertu parce qu’ils espèrent le salaire réservé à ceux-là dont l’existence fut pieuse ; ils agissent ainsi non par amour du bien, mais avec l’espoir d’être récompensés.Or, pour s’élancer vers la perfection, on commence par chasser la crainte de son âme : c’est éprouver un sentiment servile que de ne pas être attaché à son maître par amour, sans pour autant oser s’enfuir, par crainte des coups de fouet. Ensuite on méprise ses récompenses elles-mêmes ; on risquerait sinon de paraître accorder plus d’importance aux bienfaits qu’à celui qui les prodigue. Et on aime de tout son coeur, de toute son âme, de toutes ses forces non point l’un des présent dont on est gratifié, mais celui-là même qui est la source de ces biens. Tel doit être l’âme des auditeurs, selon la volonté de celui qui nous appelle à participer à lui-même.

 

 

Le Cantique des Cantiques

de Salomon

 

1

La Bien-Aimée.

Qu'il me baise des baisers de sa bouche.

Tes seins sont meilleurs que le vin ;

l'arôme de tes parfums est exquis ;

ton nom est une huile qui s'épanche,

c'est pourquoi les jeunes filles t'aiment.

 

Entraîne-moi sur tes pas, courons !

Le roi m'a introduite en ses appartements ;

tu seras notre joie et notre allégresse.

Nous célébrons tes amours plus que le vin ;

comme on a raison de t'aimer !

 

Premier poème

 

La Bien-Aimée :

Je suis noire et pourtant belle, filles de Jérusalem,

comme les tentes de Qédar,

comme les pavillons de Salma.

Ne prenez pas garde à mon teint basané :

c'est le soleil qui m'a brûlée.

Les fils de ma mère se sont emportés contre moi,

ils m'ont mise à garder les vignes.

Ma vigne à moi, je ne l'avais pas gardée !

 

Dis-moi donc, toi que mon cœur aime :

Où mèneras-tu paître ton troupeau,

où le mettras-tu au repos, à l'heure de midi ?

Pour que je n'erre plus en vagabonde,

près des troupeaux de tes compagnons.

 

Le chœur.

Si tu l'ignores, ô la plus belle des femmes,

suis les traces du troupeau,

et mène paître tes chevreaux

près de la demeure des bergers.

 

Le Bien-Aimé.

A ma cavale, attelée au char de Pharaon, 

je te compare, ma bien-aimée.

Tes joues restent belles, entre les pendeloques,

et ton cou dans les colliers.

Nous te ferons des pendants d'or

et des globules d'argent.

 

Duo.

-Tandis que le roi est en son enclos,

mon nard donne son parfum.

Mon bien-aimé est un sachet de myrrhe,

qui repose entre mes seins.

Mon bien-aimé est une grappe de henné,

dans les vignes d'En-Gaddi.

 

-Que tu es belle, ma bien-aimée,

que tu es belle !

Tes yeux sont de colombes.

 

-Que tu es beau, mon bien-aimé,

combien délicieux !

Notre lit n'est que verdure.

 

-Les poutres de notre maison sont de cèdre,

nos lambris de cyprès.

 

-Je suis le narcisse de Saron,

le lis des vallées.

 

-Comme le lis entre les chardons,

telle ma bien-aimée entre les jeunes femmes.

 

-Comme le pommier parmi les arbres d'un verger,

ainsi mon bien-aimé parmi les jeunes hommes.

A son ombre désirée je me suis assise,

et son fruit est doux à mon palais.

 

Il m'a menée au cellier,

et la bannière qu'il dresse sur moi, c'est l'amour.

Soutenez-moi avec des gâteaux de raisin,

ranimez-moi avec des pommes,

car je suis malade d'amour.

 

Son bras gauche est sous ma tête

et sa droite m'étreint.

 

-Je vous en conjure,

filles de Jérusalem,

par les gazelles, par les biches des champs,

n'éveillez pas, ne réveillez pas mon amour,

avant l'heure de son bon plaisir.

 

Deuxième poème

La Bien-Aimée.

J'entends mon bien-aimé.

Voici qu'il arrive,

sautant sur les montagnes,

bondissant sur les collines.

Mon bien-aimé est semblable à une gazelle, 

à un jeune faon.

 

Voilà qu'il se tient 

derrière notre mur.

Il guette par la fenêtre,

il épie par le treillis.

 

Mon bien-aimé élève la voix,

il me dit :

« Lève-toi, ma bien-aimée,

ma belle, viens-t'en.

Car voilà l'hiver passé,

c'en est fini des pluies, elles ont disparu.

Sur notre terre les fleurs se montrent.

La saison vient des gais refrains,

le roucoulement de la tourterelle se fait entendre sur notre terre.

Le figuier forme ses premiers fruits

et les vignes en fleur exaltent leur parfum.

Lève-toi, ma bien-aimée, 

ma belle, viens-t'en.

 

Ma colombe, cachée au creux des rochers,

en des retraites escarpées,

montre-moi ton visage,

fais-moi entendre ta voix ;

car ta voix est douce

et charmant ton visage. »

 

Attrapez-nous les renards,

les petits renards

ravageurs de vignes, car notre vigne est en fleur.

 

Mon bien-aimé est à moi, et moi à lui.

Il paît son troupeau parmi les lis.

 

Avant que souffle la brise du jour

et que s'enfuient les ombres, 

reviens...! Sois semblable,

mon bien-aimé à une gazelle, 

à un jeune faon,

sur les montagnes du partage.

 

Troisième poème

Sur ma couche, la nuit, j'ai cherché

celui que mon cœur aime.

Je l'ai cherché, mais ne l'ai point trouvé !

Je me lèverai donc, et parcourrai la ville.

Dans les rues et sur les places,

je chercherai celui que mon cœur aime.

Je l'ai cherché, mais ne l'ai point trouvé.

 

Les gardes m'ont rencontrée,

ceux qui font la ronde dans la ville :

« Avez-vous vu celui que mon cœur aime ? »

A peine les avais-je dépassés, 

j'ai trouvé celui que mon cœur aime.

Je l'ai saisi et ne le lâcherai point

que je ne l'aie fait entrer

dans la maison de ma mère,

dans la chambre de celle qui m'a conçue.

 

Le Bien-Aimé.

Je vous en conjure, 

filles de Jérusalem,

par les gazelles, par les biches des champs,

n'éveillez pas, ne réveillez pas mon amour, 

avant l'heure de son bon plaisir.

 

 

Quatrième poème

Le chœur.

Qu'est-ce là qui monte du désert, 

comme une colonne de fumée, 

vapeur de myrrhe et d'encens

et de tous parfums exotiques ?

 

Voici la litière de Salomon.

Soixante preux l'entourent,

élite des preux d'Israël :

tous experts à manier l'épée,

vétérans des combats.

Chacun a l'épée au côté, 

craignant les surprises de la nuit.

Le roi Salomon

s'est fait un palanquin

en bois du Liban. 

Il a fait des colonnettes d'argent,

le baldaquin d'or, 

le siège couleur pourpre,

l'intérieur ouvragé avec amour

par les filles de Jérusalem.

 

Venez contempler,

filles de Sion,

le roi Salomon,

avec le diadème dont sa mère l'a couronné

au jour de ses épousailles,

au jour de la joie de son cœur.

 

Cinquième poème

Que tu es belle, ma bien-aimée,

que tu es belle !

Tes yeux sont des colombes,

derrière ton voile ;

tes cheveux comme un troupeau de chèvres,

ondulant sur les pentes du mont Galaad.

Tes dents, un troupeau de brebis tondues

qui remontent du bain.

Chacune a sa jumelle

et nulle n'en est privée.

Tes lèvres, un fil d'écarlate,

et tes discours sont ravissants.

Tes joues, des moitiés de grenades,

derrière ton voile.

Ton cou, la tour de David,

bâtie par assises.

Mille rondaches y sont suspendues, 

tous les boucliers des preux.

Tes deux seins, deux faons,

jumeaux d'une gazelle,

qui paissent parmi les lis.

 

Avant que souffle la brise du jour

et que s'enfuient les ombres,

j'irai à la montagne de la myrrhe,

à la colline de l'encens.

Tu es toute belle, ma bien-aimée,

et sans tache aucune !

 

Viens du Liban, ô fiancée,

viens du Liban, fais ton entrée.

Abaisse tes regards, des cimes de l'Amana,

des cimes du Sanir et de l'Hermon,

repaire des lions, 

montagnes des léopards.

 

Tu me fais perdre le sens,

ma sœur, ô fiancée,

tu me fais perdre le sens

par un seul de tes regards,

Par un anneau de ton collier !

Que ton amour a de charmes,

ma sœur, ô fiancée.

Que ton amour est délicieux, plus que le vin !

Et l'arôme de tes parfums,

plus que tous les baumes !

Tes lèvres, ô fiancée,

distillent le miel vierge.

Le miel et le lait

sont sous ta langue ;

et le parfum de tes vêtements

est comme le parfum du Liban.

 

Elle est un jardin bien clos,

ma sœur, ô fiancée ;

un jardin bien clos,

une source scellée.

Tes jets font un verger de grenadiers,

avec les fruits les plus exquis,

grappes de henné avec des nards ;

 

le nard et le safran,

le roseau odorant et le cinnamome,

avec tous les arbres à encens ;

la myrrhe et l'aloès, 

avec les plus fins arômes.

Source des jardins,

puits d'eaux vives,

ruissellement du Liban !

 

La Bien-Aimée.

Lève-toi, Aquilon,

accours, Autan !

Soufflez sur mon jardin,

qu'il distille ses aromates !

Que mon bien-aimé entre dans son jardin,

et qu'il en goûte les fruits délicieux !

 

Le Bien-Aimé.

J'entre dans mon jardin,

ma sœur, ô fiancée,

je récolte ma myrrhe et mon baume,

je mange mon miel et mon rayon,

je bois mon vin et mon lait.

 

Le chœur.

Mangez, amis, buvez,

enivrez-vous, mes bien-aimés !

 

Sixième poème

La Bien-Aimée.

Je dors, mais mon cœur veille.

J'entends mon bien-aimé qui frappe.

« Ouvre-moi, ma sœur, mon amie,

ma colombe, ma parfaite !

Car ma tête est couverte de rosée,

mes boucles, des gouttes de la nuit. »

 

- « J'ai ôté ma tunique,

comment la remettrais-je ?

J'ai lavé mes pieds,

comment les salirais-je ? »

Mon bien-aimé a passé la main par la fente,

et pour lui mes entrailles ont frémi.

Je me suis levée

pour ouvrir à mon bien-aimé,

et de mes mains a dégoutté la myrrhe,

de mes doigts la myrrhe vierge,

sur la poignée du verrou.

 

J'ai ouvert à mon bien-aimé,

mais tournant le dos, il avait disparu !

Sa fuite m'a fait rendre l'âme.

Je l'ai cherché, mais ne l'ai point trouvé,

je l'ai appelé, mais il n'a pas répondu !

Les gardes m'ont rencontrée,

ceux qui font la ronde dans la ville.

Ils m'ont frappée, ils m'ont blessée, 

ils m'ont enlevé mon manteau, 

ceux qui gardent les remparts.

 

Je vous en conjure, 

filles de Jérusalem,

si vous trouvez mon bien-aimé,

que lui déclarerez-vous ?

Que je suis malade d'amour.

 

Septième poème

Le chœur.

Où est ton bien-aimé,

ô la plus belle des femmes ?

Où s'est tourné ton bien-aimé,

que nous le cherchions  avec toi ?

 

La Bien-Aimée.

Mon bien-aimé est descendu à son jardin, 

aux parterres embaumés,

pour paître son troupeau dans les jardins,

et pour cueillir des lis.

Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi !

Il paît son troupeau parmi les lis.

 

Huitième poème

La Bien-Aimée.

Tu es belle, mon amie, comme Tirça,

charmante comme Jérusalem,

redoutable comme des bataillons.

Détourne de moi tes regards,

car ils m'assaillent !

Tes cheveux sont un troupeau de chèvres,

ondulant sur les pentes de Galaad.

Tes dents sont un troupeau de brebis,

qui remontent du bain.

Chacune a sa jumelle

et nulle n'en est privée.

Tes joues sont des moitiés de grenade

derrière ton voile.

 

Il y a soixante reines

et quatre-vingts concubines

et des jeunes filles sans nombre.

Unique est ma colombe,

ma parfaite.

Elle est l'unique de sa mère,

la préférée de celle qui l'enfanta.

Les jeunes femmes l'ont vue et glorifiée,

reines et concubines l'ont célébrée :

« Qui est celle-ci qui surgit comme l'aurore,

belle comme la lune,

resplendissante comme le soleil,

redoutable comme des bataillons ? »

 

Neuvième poème

La Bien-Aimée.

Au jardin des noyers je suis descendue, 

pour voir les jeunes pousses de la vallée,

pour voir si la vigne bourgeonne,

si les grenadiers fleurissent.

Je ne connaissais pas mon cœur

il a fait de moi les chariots d'Ammi-nadib !

Le chœur.

Reviens, reviens, Sulamite ;

reviens, reviens, que nous te regardions !

 

Le Bien-Aimé.

Ah ! Vous la regardez la Sulamite,

comme une danse en deux chœurs !

 

Que tes pieds sont beaux dans tes sandales,

fille de prince !

La courbe de tes flancs est comme un collier,

œuvre des mains d'un artiste.

Ton giron, une coupe arrondie,

que les vins n'y manquent pas !

Ton ventre, un monceau de froment,

de lis environné.

Tes deux seins ressemblent à deux faons,

jumeaux d'une gazelle.

Ton cou, une tour d'ivoire.

Tes yeux, les piscines de Heshbôn,

près de la porte de Bat-Rabbim.

Ton nez, la tour du Liban,

sentinelle tournée vers Damas.

Ton chef se dresse, semblable au Carmel,

et les nattes de ta tête sont comme la pourpre ;

un roi est pris dans tes ruissellements.

 

Que tu es belle, que tu es charmante,

ô amour, ô délices !

Dans ton élan tu ressembles au palmier,

tes seins en sont les grappes.

J'ai dit : « Je monterai au palmier,

j'en saisirai les régimes.

Tes seins, qu'ils soient des grappes de raisin,

le parfum de ton souffle, celui des pommes ;

tes discours, un vin exquis !

 

La bien-Aimée.

Il va droit à mon bien-aimé,

comme il coule sur les lèvres de ceux qui sommeillent.

 

Je suis à mon bien-aimé,

et vers moi se porte son désir.

 

Dixième poème

Viens, mon bien-aimé,

allons aux champs !

Nous passerons la nuit dans les villages,

dès le matin nous irons aux vignobles.

Nous verrons si la vigne bourgeonne,

si les pampres fleurissent,

si les grenadiers sont en fleur.

Alors je te ferai le don de mes amours.

Les mandragores exhalent leur parfum,

à nos portes sont tous les meilleurs fruits. 

Les nouveaux comme les anciens, 

je les ai réservés pour toi, mon bien-aimé.

 

Ah! que ne m'es-tu un frère,

allaité aux seins de ma mère !

Te rencontrant dehors, je pourrais t'embrasser,

sans que les gens me méprisent.

Je te conduirais, je t'introduirais

dans la maison de ma mère, tu m'enseignerais !

Je te ferais boire un vin parfumé,

ma liqueur de grenades.

 

Son bras gauche est sous ma tête,

et sa droite m'étreint.

 

Je vous en conjure,

filles de Jérusalem, 

n'éveillez pas, ne réveillez pas mon amour,

avant l'heure de son bon plaisir.

 

Épilogue

Le chœur.

Qui est celle-ci qui monte du désert,

appuyée sur son bien-aimé ?

 

La Bien-Aimée.

Sous le pommier je t'ai réveillé,

là même où ta mère te conçut,

là où conçut celle qui t'a enfanté.

 

Mets-moi comme un sceau sur ton cœur,

comme un sceau sur ton bras.

Car l'amour est fort comme la Mort, 

la jalousie inflexible comme le Shéol.

Ses traits sont des traits de feu,

une flamme de Yahvé.

Les grandes eaux ne pourront éteindre l'amour,

ni les fleuves le submerger.

Qui offrirait toutes les richesses de sa maison

pour acheter l'amour

ne recueillerait que mépris.

Amour Amour Amour

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